Sarah Bernhardt

Lorenzaccio et Hamlet

Première star sans doute au sens moderne du terme[1], Sarah Bernhardt bénéficie d’un nombre incalculable d’études[2] et de biographies[3]. Le geste de la grande actrice est bien pris en charge par la recherche en France, mais il faut se tourner vers la littérature universitaire anglosaxonne pour trouver des études critiques croisant l’esthétique et les cultural studies, précisant ses dimensions socioéconomiques voire industrielles[4]. L’inscription culturelle de Sarah Bernhardt comme actrice et femme de son temps permet d’amender le double visage de l’icône fin de siècle et de la femme publicitaire dont elle pâtit en France depuis la Belle Époque[5]. Parmi la foule des personnages interprétés par Sarah Bernhardt, les créations de Lorenzaccio d’Alfred de Musset et d’Hamlet de William Shakespeare, en 1896 et 1899-1900, sont originales. Lorenzaccio n’a jamais été monté, et Hamlet est joué en une traduction versifiée qui a tiré le texte anglais et baroque vers l’esthétique classique française. Il s’agit de deux rôles pour lesquels l’actrice doit se travestir, bien qu’ils n’aient pas été écrits comme des rôles travestis.

En montant ces textes, l’actrice fait un triple geste d’actrice, de metteuse en scène et de productrice, dans des théâtres dont elle a la direction – le Théâtre de la Renaissance puis le Théâtre Sarah Bernhardt, actuel Théâtre de la Ville. Ces tours de force artistiques et financiers sont payés de succès, et tiennent une place particulière dans la carrière de la star. À la croisée des siècles, des médiums et des esthétiques, ces spectacles signent l’autorité de l’actrice à différents endroits de la représentation du masculin dans nos sociétés – ces deux rôles, ses fonctions de metteuse en scène et de cheffe de troupe.

[1] Georges Banu, Sarah Bernhardt : sculptures de l’éphémère, photographies de Paul Nadar, Paris, Caisse nationale des monuments historiques et des sites, coll. « Mémoires photographiques », 1995.

[2] Florence Filippi, Sara Harvey et Sophie Marchand, Le sacre de l’acteur, op. cit. ; Victoria Duckett, Seeing Sarah Bernhardt : performance and silent film, Urbana, Chicago, Springfield, Ohio, University of Illinois press, 2015 ; Guy Ducrey, « Sarah Bernhardt, la gloire du geste », Tout pour les yeux. Littérature et spectacle autour de 1900, Paris, Presses Universitaires de Paris Sorbonne, coll. «Theatrum Mundi», 2010 ; Olivier Goetz, « Le corps glorieux de Sarah Bernhardt », Le Geste Belle Époque, Strasbourg, ELiPhi, coll. «Travaux de littératures romanes. Arts et spectacles», 2018 ; etc.

[3] Notons quelques unes des plus importantes : Ernest Pronier, Sarah Bernhardt, une vie au théâtre, Genève, A. Jullien, 1946 ; Claudette Joannis, Sarah Bernhardt : reine de l’attitude et princesse des gestes, Paris, Corps 16, 2001 ; Anne Delbée, Le sourire de Sarah Bernhardt, Paris, Librairie générale française, 2002 ; Sophie-Aude Picon, Sarah Bernhardt, Paris, Gallimard, coll. « Folio Biographies », 2010.

[4] Mary Louise Roberts, Disruptive Acts : The New Woman in Fin-de-Siecle France, Chicago & London, The University of Chicago Press, 2002 ; Victoria Duckett, « Localizing Sarah Bernhardt : Exploring celebrity reception in the Bill Douglas Cinema Musem », art. cité ; Victoria Duckett, « The actress manager and the movies: Resolving the Double Life of Sarah Bernhardt », art cité.

[5] Marie Colombier, Le voyage de Sarah Bernhardt en Amérique, préface d’Arsène Houssaye, Paris, C. Marson et E. Flammarion, 1881. La liste des satires est longue…

Bibliographie minimaliste

  • Sources directes

L’art du théâtre : la voix, le geste, la prononciation, Paris, L’Harmattan, coll. « Les Introuvables », 1993. 

Conférences à propos des femmes artistes et poètes, Manuscrit autographe conservé à la Bibliothèque nationale de France (cote My-335).

Dans les nuages, impressions d’une chaise, illustration de Georges Clairin, Paris, 1878.

Ma double vie, Paris, Phébus, 2012.

« Sarah Bernhardt », Paris, Le Théâtre et Comoedia illustré, n°18, 1923.

  • Sources indirectes

Bernhardt Lysiane, Sarah Bernhardt ma grand-mère, Paris, Éditions du Pavois, 1945.

Binet-Valmer, Sarah Bernhardt, Paris, Flammarion, coll. « Hier et aujourd’hui », 1936.

Bourgeois Armand, Conférence sur Sarah Bernhardt, Paris, Bibliothèque d’art de la critique, 1898.

Bron Ludovic, Sarah Bernhardt, Couverture et dessins de Louise Abbéma, Paris, La Pensée Française, 1925.

Champsaur Félicien, Masques modernes, Paris, E. Dentu, 1889.

Cocteau Jean, Mes Monstres sacrés, Paris, Encre, coll. « Les Arcanes du temps », 1979.

Colombier Marie, Le voyage de Sarah Bernhardt en Amérique, Paris, M. Dreyfous, 1881.

Coppée François, Souvenirs d’un parisien, Paris, L’Harmattan, coll. « Les Introuvables », 1993.

Dussane Béatrix, Dieux des planches, Paris, Flammarion, 1964.

Hahn Reynaldo, La Grande Sarah, Paris, Hachette, 1929.

Lorrain Jean, Une femme par jour, Paris, Borel, coll. « Nouvelles collections Guillaume. Lotus bleu », 1896.

Moreno Marguerite, Souvenirs de ma vie, Paris, de Flore, 1949.

Renard Jules, Journal, 1887-1910, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1965.

Robins Elizabeth, North American Review, n°171, Décember 1900.

Rostand Maurice, Sarah Bernhardt, Paris, Calmann-Lévy, coll. « Masques et visages », 1950.

Sarcey Francisque, Quarante ans de théâtre (feuilletons dramatiques) : Victor Hugo, Dumas père, Scribe, Casimir Delavigne, Balzac, G. Sand, E. Legouvé, A. de Musset, Ronsard, D’Ennery, Labiche etc… Paris, Bibliothèque des Annales, 1901.

  • Ressources critiques

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Balk Claudia, Theatergöttinnen: inszenierte Weiblichkeit. Clara Ziegler, Sarah Bernhardt, Eleonora Duse, Basel, Stroemfeld, Frankfurt am Main, Roter Stern, 1994.

Banu Georges, Sarah Bernhardt, Sculptures de l’éphémère, Paris, Caisse Nationale des monuments historiques et des sites, 1995.

Castelot André, Ensorcelante Sarah Bernhardt, Paris, Librairie Académique Perrin, 1980.

Delbée Anne, Le sourire de Sarah Bernhardt, Paris, Fayard, 2000.

Duckett Victoria, Seeing Sarah Bernhardt: performance and silent film, Urbana, Ill., Chicago, Ill., coll. « Women and film history international », Springfield (Ohio), University of Illinois press, 2015.

Gidel Henry, Sarah Bernhardt : biographie, Paris, Flammarion, coll. « Grandes biographies », 2005.

Gold Arthur, Fitzdale Robert, Sarah Bernhardt, Paris, Gallimard, 1994.

Guilbert Noëlle, Chez Sarah Bernhardt dans les théâtres parisiens, Évreux, Lunes, coll. « Une femme, un lieu », 2002.

Guilbert Noëlle (dir), Portrait(s) de Sarah Bernhardt, [exposition, Paris, Bibliothèque nationale de France, galerie Mazarine, 3 octobre 2000-14 janvier 2001], Paris, Bibliothèque nationale de France, Seuil, 2000.

Jamault Anne, Sarah Bernhardt et le monde de l’art, thèse de doctorat en histoire de l’art, dirigée par Eric Darragon, université Paris I, Panthéon-Sorbonne, 2000.

Joannis Claudette, Sarah Bernhardt, Paris, Payot, 2000.

Jullian Philippe, Sarah Bernhardt, Paris, Balland, 1977.

Lorcey Jacques, Sarah Bernhardt : l’art et la vie, Biarritz, Séguier, coll. « Empreinte », 2005.

Lippi Laurence, Le corps de la femme sous les travestis de Sarah Bernhardt, Paris, École du Louvre, 2001.

Marks Patricia, Sarah Bernhardt’s first american theatrical tour, 1880-1881, Jefferson (N.C.), McFarland, 2003.

Mariani Laura, Sarah Bernhardt, Colette e l’arte del travestimento, Imola (Bologna), Cuepress, coll. « I saggi », 2016.

McPherson Heather, The Modern Portrait in Nineteenth-Century France, Cambridge, Cambridge University Press, 2001.

Menefee David W., Sarah Bernhardt in the theatre of films and sound recordings, foreword by Kevin Brownlow, Jefferson (N. C.), McFarland, 2003.

Nectoux Jean-Michel, Stars et monstres sacrés [exposition, Paris, Musée d’Orsay, 19 décembre 1986-1er mars 1987], Paris, Réunion des musées nationaux, 1986.

Ockman Carol, E. Silver Kenneth, Sarah Bernhardt : the art of high drama, with contributions by Janis Bergman-Carton, Karen Levitov, Suzanne Schwarz Zuber, New York, the Jewish Museum, New Haven (Conn.), Yale university press, 2005.

Picaud Virginie, L’iconographie des costumes de Sarah Bernhardt, thèse de muséologie, Paris, École du Louvre, 1998.

Picon Sophie-Aude, Sarah Bernhardt, Paris, Gallimard, 2010.

Pronier Ernest, Sarah Bernhardt : une vie au théâtre, Genève, A. Jullien, 1946.

Rizzi Mariella, Sarah Bernhardt : teatro e arte della moda, Lecce, Pensa multimedia, 2005.

Shirata Yuki, Sarah Bernhardt : la muse médiatique et le mythe de la féminité, Sakai, Osaka koritsu daigaku kyodo shuppan-kai, 2009.

Simon-Bacchi Catherine, Sarah Bernhardt – Mythe et réalité, Paris, Sedag, 1984.

Spivakoff Pierre, Sarah Bernhardt vue par les Nadar, Paris, Herscher, 1982.

Taranow Gerda, Sarah Bernhardt : the art within the legend, Princeton (N.J.), Princeton university press, 1972 ; The Bernhardt « Hamlet »: culture and context, New York, Washington (D.C.), Paris [etc.], P. Lang, coll. « Artists and issues in the theatre », 1996.

Principaux articles consultés

Abirached Robert, « Préface », Alfred de Musset, Lorenzaccio, André Del Sarto, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1978.

Bonnefoy Yves, « Préface », William Shakespeare, Hamlet, Le Roi Lear, traduit de l’anglais et introduit par Yves Bonnefoy, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1978.

Dubar Monique, « Sarah ou Réjane, Réjane et Sarah : les deux masques de… Victorien Sardou », in Guy Ducrey (dir.) Victorien Sardou, un siècle plus tard, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2007.

Duckett Victoria, « The Actress-Manager and the Movies: Resolving the Double Life of Sarah Bernhardt », Nineteenth Century Theatre and Film, vol. 45, 1 may 2018, p. 27-55. https://doi.org/10.1177/1748372718795562

Goetz Olivier, « Le geste spectaculaire de Victorien Sardou », in Guy Ducrey (dir.) Victorien Sardou, un siècle plus tard, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2007.

Gœtz Olivier, Jean-Marc Leveratto « Mise en scène et techniques de fabrication du fantôme dans le théâtre du XIXe siècle », Dramaturgies de l’ombre, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2005. DOI : https://doi.org/10.4000/books.pur.30012.

Humbert- Mougin Sylvie, « Introduction », Victorien Sardou, Théodora, in Isabelle Moindrot (dir.), Drames et pièces historiques, t. V, édition critique par Guy Ducret et Sylvie Humbert-Mougin, Paris, Classiques Garnier, 2017.

Khoury Camille, « Le travesti dans le théâtre du XIXe siècle : une distribution à contre-genre ? », Agôn, n°7, 2015, DOI : https://doi.org/10.4000/agon.3448.

Lavender Catherine, « Notes on The New Woman », The College of Staten Island/CUNY, October 2014.

Mervant-Roux Marie-Madeleine, « Peut-on entendre Sarah Bernhardt ? Le piège des archives audio et le besoin de protocoles », Sociétés et représentations, n°35, p. 165-182, 2013. https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00826547.

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Schwartz-Gatine Élisabeth, « Hamlet de Talma à Mounet-Sully : “une ressemblance immortelle” », Actes des congrès de la Société Française Shakespeare, n°35, 2017. DOI : https://doi.org/10.4000/shakespeare.3906.

Ubersfeld Anne, « Révolution et topique de la Cité : Lorenzaccio », Littérature, n°24, 1976. DOI : https://doi.org/10.3406/litt.1976.2055.

Van Drie Melissa, « Des modèles phonographiques pour de nouvelles voix théâtrales : Sarah Bernhardt, Alfred Jarry », Théâtre/Public, n°201, 2011.

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Wooler Stephanie, « Performing cliché. Sarah Bernhardt and stereotypes of celebrity », in European Drama and Performance Studies
2015 – 2, n° 5 Consuming Female Performers (1850s-1950s), Chaouche, Sabine, Sadoun-Edouard, Clara (dir.), Classiques Garnier, Paris pp. 263-280. DOI: 10.15122/isbn.978-2-8124-4842-3.

Principaux médias consultés

Banu Georges, Delbée Anne, Prochasson Christophe, [et al.], Sarah Bernhardt ou le divin mensonge, Bibliothèque nationale de France (prod.), coll. « Conférences de la Bibliothèque nationale de France », Paris, 14 décembre 2000, 3 disques compacts 1 h 02 min 02 s, 1 h 06 min 43 s, 33 min 10 s.

« Actualités de Sarah Bernhardt », Concordance des temps, 2013, Jean-Noël Jeanneney (prod.), France Culture, 2 mars 2013, 58 minutes.

« Sarah Bernhardt (1844-1923) : “Vous ne me connaîtrez pas” », Une vie une œuvre, Matthieu Garrigou-Lagrange (prod.), France Culture 8 mai 2011, 1heure.

« Sarah Bernhardt racontée par ceux qui l’ont connue », Les nuits de France culture, Philippe Garbit (prod.) France Culture, 19, 20 et 21 mars 2015, 3 fois 29 minutes.